Yvan

Gilet Jaune depuis le 17 Novembre 2018, Yvan se mobilise chaque samedi pour une justice sociale, fiscale et environnementale. Il se bat pour que chaque personne puisse avoir droit à une vie digne. Mais le 29 décembre 2018 :

« Sorti en marchant de la gare St Roch à Montpellier par l’accès ascenseur niveau 0, j’ai marché une dizaine de mètres jusqu’à un arbre situé devant la gare, je me suis arrêté et retourné, et à ce moment une décharge électrique a traversé mes yeux une lumière très très blanche a envahi ma vision ainsi qu’une vibration extrêmement forte, comme la résonance d’une grosse cloche au son très grave, a envahi toute ma tête. 

Je me suis posé la question  » Mais qu’est-ce qui se passe ???  » Je comprends très vite que je venais de prendre un tir de LBD40 mais je ne savais pas où. 

Instantanément j’ai l’impression qu’on avait ouvert ou crevé ma réserve d’énergie !!!! Cela a commencé par mes chevilles, genoux et suivi par tout le corps, le tout instantanément !!!

Quand j’ai compris vraiment ce qu’il venait de se passer, je me suis écroulé au sol et j’ai eu le sentiment ou la sensation que mon corps et mon cerveau se sont mis en mode « survie ». Tout autour de moi avait une sonorité « cotonné, embrumé ».

Le pire dans tout ça, c’est que quand je suis tombé je n’ai ressenti aucune douleur, nul part, je savais juste que j’étais touché à la tête mais à aucun moment je n’ai eu mal, juste un KO physique. (je m’aperçois aujourd’hui que le corps humain est bien fait) 

Ma seule préoccupations sur le moment a été de me mettre en PLS, de réguler ma respiration et de rester concentrer sur ce qui se passait autour de moi. 

 Putain c’était ouf !!!! J’ai vécu pas mal de choses au sein de ce mouvement et dans ma vie mais là c’était la guerre !!!! 

Je me rappelle d’une voix féminine qui hurlait « les pompiers appeler les pompiers » j’arrive à ressentir le désespoir dans sa voix, c’est terrifiant !! 

À côté de moi il me semble entendre la voix d’une fille parler aux pompiers. 

Je n’ouvre pas les yeux je sais qu’il faut les garder fermés si l’un d’eux est toucher. Quelqu’un d’autre est en train de me soigner, j’entends et je sens un bon nombre de compresses passer sur mon visage. 

Un autre encore n’arrête pas de me parler, de me rassurer en me donnant des nouvelles de mon état et en me disant l’avancement des pompiers. 

Et puis là je ne sais pas….. J’étais au sol , ça bougé grave autour de moi, un espèce de mouvement de panique a commencé. Je me rappelle entendre la fille qui me soigner crier « arrêtez de tirer on est des personnel soignant » à plusieurs reprises !!! D’ailleurs tout le monde s’est mis à hurler et à crier. 

J’entendais des bruits sourds des « pock pock pock » on aurait dit un tam-tam. Au même moment j’entends un gars qui se trouvait juste devant moi crier « j’en ai pris une dans le dos »

Je ne comprenais absolument rien à ce qu’il ce passait !!! En même temps à côté de moi j’entend claquer les cartouches de lacrymo, je me rappelle même en avoir pris une dans la veste sous mon nez alors que je suis toujours couché au sol. Ils re-gaz et retire les BATARDS et ceux pour la 3e fois!!!! Sérieux c’était ouf !!! Et là un des gars qui me soigner me dit « Yvan on va t’évacuer !!! On s’en prend plein la gueule il faut que l’on t’évacue »

J’ai compris à ce moment là, quand j’ai ouvert les yeux pour la première fois depuis que je suis tombé au sol, dans quel environnement on se trouver. 

Il y avait tellement de gaz qu’on voyait pas à 2 mètres, rajoutes y le bruit assourdissant des grenades de dé-encerclements, le pock pock des lbd40 qui tape derrière, ça canardait de partout !!! Putain sérieux j’appelle ça une tentative de meurtre !!!! 

Ils étaient deux à me soutenir et je ne sais pas combien à me protéger pendant mon extraction et sans eux peut-être que je ne parlerais pas aujourd’hui. 

On a marché, du moins j’ai essayé, ça m’a paru super loin !!!! 

Ils m’ont installés à l’intérieur d’une cage d’escalier de parking en attendant les pompiers, qui sont arrivés 30 minutes après, car la police les avait bloqué. Ils les ont empêché d’intervenir. 

Pendant ce temps-là j’ai essayé de reprendre mes esprits, enfin, plus ou moins !!! Dehors j’entendais ce bruit, ce vacarme, qui raisonner autour. Des bruits de barres métalliques des bruits d’explosion je voyais la peur qui envahissait le visage toutes les personnes autour de moi. 

À ce moment là j’ai eu un ressenti de honte, honte de moi et de mal pour eux. 

Moi parce que je culpabilisais de ne pas pouvoir les aider tout en me disant que tout ça était de ma faute et j’avais mal pour eux, eux ces personnes qui sont en train d’être gazé, tiré comme des lapins, eux qui pleurent et qui vomissent partout juste pour m’avoir protégé. 

Alors OUI j’étais « devant » OUI j’étais sur les rails de la Gare, OUI j’ai encouragé, OUI j’ai prévenu de l’envoi des gaz et des Lbd40 et OUI j’ai revendiqué ma colère et ma rage mais tout ça mérite il de ce faire quasi éborgner, tiré et gazé à 3 reprises alors même que j’étais au sol ???

À l’arrivée des pompiers et au moment de ma prise en charge dans le VSAB j’ai ressenti une immense colère !!!! Putain j’avais rien fait !!! 

J’étais obligé de lâcher mes frères d’armes !!!! Oui, mes frères et sœurs d’armes, eux qui ont pris tous les risques pour me soigner et me protéger. 

Depuis cette date du 29.12.18 je n’ai rien à lâché. Il m’aura fallu peu de temps pour rebondir et poursuivre mon Combat en tant que « Médic citoyen ». 

Je ne pouvais pas arrêter, je me devais de rendre l’appareil à toutes ces personnes, citoyens, GJ qui m’ont porté assistance et qui encore aujourd’hui, prennent soin de moi. 

Mais cela ne change rien, que tu sois en jaune en noir ou en Médic, la police du capital continue d’exercer ces violences sur nous TOUS. 

Après mon agression, j’ai été présent sur quasiment toutes les manifestations gilet jaune (et pas que) en tant que Medic. 

Faire partie des mutilés pour l’exemple, Médic mais surtout, toujours présent, fais de toi une cible privilégiée !!!! 

Je ne compte plus les menaces verbales, les insultes, les coups de matraques volontaires, les grenades de désencerclement jetées volontairement dans les pieds, le gazage systématique sur nos positions alors que nous prenons des victimes en charge !!! 

Je 16 juin 2020 à Paris pour la manifestation en soutient au personnel soignant, ils m’ont « encore » volontairement tiré dessus au lbd40. 

Ils visaient « encore » une fois la tête !! 

Identifiable par ma tenue de Medic (rouge) j’étais en retrait, accroupi pour me protéger des gaz et des tirs pendant les affrontements avec les forces du désordre et au moment où je me suis relevé pour reculer, la BRAV placée sur mon côté droit me prend pour cible, me vise et me tire dessus !! Manque de chance pour eux et heureusement pour moi c’est dans le genou que le projectile finira sa course .

Je ne lâcherai jamais car ce combat est juste. 

Malheureusement je ne suis pas le seul à qui ça arrive, énormément de Medic en manifestation se font humilier, racketter, frapper et depuis peu interpellé et condamné à des peines de prison, des contrôles judiciaires, tout ça pour avoir voulu porter assistance.

Abat l’oligarchie et le capitalisme. 

Je suis né un 17 novembre 2018 et le 29.12.2018 j’ai trouvé le sens de ma nouvelle vie. 

Vive la RÉSISTANCE.

GJ pour le peuple et par le peuple !! 

Pour une justice sociale, fiscale et environnementale. 

Abolition des privilèges. 

Ni oubli / Ni pardon. « 

Pour le soutenir : www.lepotsolidaire.fr/pot/jc2uh5f6

2 thoughts on “Yvan”

  1. Ouah ! Je n arrive pas a dire quelle émotion en lisant ton récit….mais je pleure je suis touchée par ce courage et par la solidarité dont les gens peuvent être capable et cela me redonne l espoir ils ne peuvent pas nous enlever ça ! Ils croient nous faire peur nous décourager ils ne font que rendre notre combat plus juste et obligatoire !

  2. Bonjour Yvan, très touché par ce qui vous est arrivé, et pas qu’une fois !
    Je fais partie d’un collectif bruxellois qui a fondé en 2011 l’Observatoire des violences policières en Belgique (https://obspol.be), pour recueillir les témoignages de victimes (via la plateforme https://voices.obspol.org), les informer et publier leur témoignage anonymisé afin de libérer la parole. Repérer les abus récurrents à bas-bruit aussi (menottes trop serrées, fouilles à nu, nassage etc.) qui montrent que la violence n’est pas le fruit de pommes pourries mais bien systémique.
    Français d’origine, j’ai voulu rééditer l’expérience avec un site dédié aux violences de flics en France : https://france.obspol.org, qui va essayer de lister les victimes, les mettre en avant, stocker preuves vidéo, photos, témoignages, et centraliser en libre accès toutes ces données.
    J’ai ajouté votre témoignage et photos à notre site ici : https://france.obspol.org/victimes/yvan-29-12-2018-flingue-montpellier/
    Pour moi il est important de tenir à jour les fiches des victimes (et la liste des bourreaux). Si vous avez engagé d’autres démarches judiciaire, ou si votre état de santé devait se dégrader, n’hésitez pas à m’en faire part par email.
    J’espère que vous vous remettez, et j’ai un grand respect pour ce que vous avez entrepris en vous mettant en avant, il n’y a que comme ça que les choses peuvent changer. Merci pour tout ça.

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